Remplissez ce formulaire P0 et tout ira bien

1er avril 2006,
par Romy Têtue

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Voilà, c’est très très simple : ça fait un moment que je réalise des sites web, en tout ou partie, en agence, en solo, en CDD, interim et même en pige... et il m’arrive de plus en plus souvent de recevoir des offres directes auxquelles je ne peux répondre positivement, n’ayant pas le statut adéquat.
D’où le souhait de donner un cadre à cette activité, afin de pouvoir l’exercer en toute indépendance et en toute légalité. Simple, n’est-ce pas ?

Bien. Alors, par où commence-t-on ? Personne ne saura vous renseigner. On vous dira d’aller à la MDA ou à l’AGESSA, puis on vous dira de ne surtout pas faire ça : faut aller au CDI, ou direct à l’URSSAF, ou même au CFE [1]. Ou l’inverse. En fait, cela dépend de votre activité.
Mais comme personne ne comprend rien à ce que ces webmestres magiciens traficotent avec leurs satanées machines informatiques, vous serez quitte pour tenir lieu de balle aux administrations qui jouent au ping-pong, vous renvoyant de l’une à l’autre comme une patate chaude.

Premier conseil : méfiez-vous comme de la peste de l’administration qui vous accueillera à bras ouverts, en vous disant que « c’est très simple, il suffit de... »
Ayant l’intention de me lancer dans l’année à venir, sans m’être encore fixé de date précise mais voulant m’y prendre à l’avance, je suis tranquillement allée, en plein mois d’août parisien, à la pêche à l’info au Centre des Impôts. « Il suffit de remplir ce formulaire P0, et c’est tout », m’a-t-on dit avec un sourire engageant, et « Oui-oui, c’est absolument tout. Vous pouvez même le faire tout de suite ». Ce que je fis, avant de partir guillerette en vacances gravir d’improbables sommets, histoire de me ressourcer avant d’attaquer cette nouvelle année. Si j’avais su !
Taxe Professionnelle 2006Au retour, m’attendaient mon numéro SIREN-SIRET tout beau tout neuf, youpi, mais aussi un formulaire de déclaration de Taxe Professionnelle... c’est quoi ce truc !? [2] Manifestement, on ne m’a pas tout dit.
Puis l’ANPE m’a soudain radiée [3] et, en toute logique, l’ASSEDIC aussitôt suivie de la CAF ont demandé remboursement des allocations prétendument trop-perçues. Si bien qu’en un mois de temps, je me suis retrouvée sur la paille, précipitant mes petites économies dans mon découvert, avant même d’avoir débuté quelque lucrative activité que ce soit. Sans oublier les impôts qui ont soudain recommencé à me ponctionner mensuellement, au prétexte que je gagnais (ou allais gagner) des mille et des cents. Et tous ces interlocuteurs de prendre un ton des plus surpris, voire suspicieux, pour me répondre : « Ah bon ??? comment ça vous n’avez pas de revenus ? »
Il semblerait que je sois tombée pile dans un vide juridique parfaitement absurde : ma situation est en règle pour ce qui est de déclarer mes revenus et payer l’impôt dû, mais n’est toujours pas en règle pour ce qui est de pouvoir percevoir des revenus non-salariés. Ah oui !?

Et quand vous vous retrouvez ainsi le bec dans l’eau, ne croyez pas que la situation se débloque rapidement. Non. Trois mois perdus à tenir vaille que vaille, à démarcher pour recouvrer mes droits, à bidouiller médiocrement pour remplir le frigo, mais sans plus avoir ni la tête ni le temps à prospecter pour établir la nouvelle activité envisagée.
L’hiver touche à sa fin lorsque je peux enfin m’y remettre. Cette mésaventure m’ayant édifiée, je cherche désormais des informations plus concrètes avant de poursuivre. C’est là que l’on tombe des nues : aucun des interlocuteurs institutionnels ne semble être à même de renseigner correctement. Ne parlons plus du CDI, trop laconique et imprécis. L’ANPE, pleine de bonne volonté, m’adresse à la CCI [4], au « Point Chance », à la Pépinière d’entreprises du coin et autres OVNI. L’URSSAF ne veut pas de moi et me renvoie à l’AGESSA qui me renvoie à l’URSSAF qui me renvoie au CFE, et ainsi de suite, les uns et les autres ne manquant pas de critiquer ouvertement leurs incompétences réciproques au passage.
Je perds le plus clair de mon temps à faire la queue, décompter les numéros de tickets en attendant mon tour, traverser la ville pour trouver porte close, passer des coups de fils, caler quantité de rendez-vous dans un planning qui se surcharge invraisemblablement, refaire la queue... pour recueillir des informations toutes plus contradictoires les unes que les autres. Les semaines passent, j’ai la désagréable sensation de piétiner, et pourtant, imperceptiblement, ça avance.
Deuxième conseil : armez-vous de patience, dégagez-vous du temps, beaucoup de temps, gonflez votre moral et votre détermination à bloc, et acceptez de bonne grâce de jouer le jeu de la patate chaude, vous en apprendrez plus que vous ne croyez.
De fil en aiguille, de centres administratifs aux verrières rivalisant de transparence en locaux d’association miteux, je finis par croiser quelques interlocuteurs avertis, qui ont vu passer plus d’un projet de création d’entreprise, et qui savent donc « qui quoi qu’est-ce », y compris au cas par cas. Le bon plan, finalement, est d’intégrer un « club de créateurs d’entreprise » : vous y croiserez d’autres porteurs et porteuses de projets divers et variés, ce qui est toujours intéressant et permet, si besoin était, de se situer, mais aussi de nouer des contacts avec d’éventuels futurs partenaires, clients ou fournisseurs.

Si vous avez la chance d’être demandeur d’emploi, arrêtez de conspuer l’ANPE et sachez plutôt en tirer profit.
Dossier ACREPour commencer, si vous jugez que votre conseiller est nul, comme je l’entends souvent dire, cessez de vous plaindre et changez-en, que diable ! Ensuite, on ne vous l’a peut-être pas dit, mais il existe des dispositifs tout à fait intéressants, tel qu’un mois d’accompagnement personnalisé pour vérifier la validité de votre projet, possiblement et judicieusement assortis de ristournes pour rencontrer juriste, comptable et compagnie [5]. Mais surtout, sachez-le, pour vous épargner la mésaventure de cette dame rencontrée ce matin, qui, mal informée (et elle n’est pas la seule, n’est-ce pas), a loupé tous les coches et croule aujourd’hui sous les cotisations : l’ACCRE pourra vous accorder une exonération de charges sociales pendant un an.
Pour les demandeurs d’emploi, c’est donc simple : la première étape est de presser le conseiller ANPE comme un citron.

Pour la suite, et pour les autres... Tout commence effectivement par un formulaire P0. Mais attention, pas n’importe lequel ! Pas n’importe quand et pas n’importe où. Me voici par une tiéde et pluvieuse matinée de printemps, dans un bureau de l’URSSAF, face à un énième interlocuteur incroyablement infichu d’identifier mon activité. Cela fait des années que le Web existe, que la bulle Internet a gonflé puis explosé, foutant tout le monde dehors, poussant les uns, les unes et les autres au chômage ou au travail indépendant, et on me ferait croire qu’il n’existe pas de code NAF [6] correspondant à mon activité, simplissime, de « Création et réalisation de sites Web » ? Las, on me conseille finalement... d’appeler un ami déjà établi dans la même activité ! qui éclairera effectivement l’URSSAF : « Oui, c’est bien l’APE 722C ».
Dernier conseil, et c’est par là qu’il faut commencer : tanez de questions ceux et celles qui ont réussi à s’établir avec la même activité. Je dis bien la même activité, car, même s’il sont tous deux webmestres, le pote graphiste n’a pas le même APE que le pote développeur, qui ne relèvent donc pas des mêmes CFE. Nous y voilà.
Je n’aurais jamais du écouter le bienveillant conseil qui m’a adressée au CDI. Car, six mois après cette première démarche, je découvre, aujourd’hui 1er avril, et ce n’est pas une blague, qu’on ne m’a pas fait remplir le bon formulaire P0, et qu’il me faudra faire un P4 pour l’annuler, tabula rasa et on repart de zéro.

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Vos commentaires

  • Le 4 avril 2006 à 13:39, par Romy Têtue En réponse à : Il ne manquait plus que ça !

    Nouvel incendie d’une ANPE a Montreuil ! Dans la nuit du mercredi 29 au jeudi 30 mars, l’agence ANPE située rue de Beaune à Montreuil (pile à côté de l’URSSAF) à été incendiée. Les dégâts sont importants, deux salles ont été entièrement détruites et il faudra bien quatre semaines à l’agence pour retrouver un fonctionnement normal. En attendant, c’est mon agence qui prend le relais de celle cramée, et ça explose son planning si bien que je peux me gratter pour obtenir un rendez-vous...

  • Le 25 mai 2006 à 13:11, par Opack En réponse à : Remplissez ce formulaire P0 et tout ira bien

    Très belle histoire, merci d’avoir pris la peine de raconter toutes ces péripéties, je pense que cela servira à d’autres. Bon courage pour la suite, et un peu plus de chance :)

    Et au passage très joli site, intéressant, bien codé et très propre, Bravo !

  • Le 17 juillet 2006 à 23:59, par Romy Têtue En réponse à : Remplissez ce formulaire P0 et tout ira bien

    Pour rassurer les personnes qui s’inquiétaient de mon sort : après moultes invraissemblables rebondissements, tout est finalement rentré dans l’ordre, un an après, quasiment jour pour jour. Ouf, ouf, OUF !

  • Le 12 septembre 2006 à 15:11, par Gwel En réponse à : Remplissez ce formulaire P0 et tout ira bien

    Je me lance comme photographe indépendant. Le statut semble plus clair que celui de webmestre, mais il implique également de remplir le fameux formulaire P0. J’allais le faire la fleur au fusil. J’irai désormais sur mes gardes. Merci.

  • Le 15 novembre 2006 à 08:23, par nicolas holzapfel En réponse à : Remplissez ce formulaire P0 et tout ira bien

    bonjour
    je vous remercie de vos explications sur le parcours du combattant du créateur !
    je me rend ce matin à mon DCI pour remplir ce fameur P0 en tant que photographe auteur.
    étant mieux informé grace à vous, je vais effectivement poser la max de questions à mon interlocuteur.

    bon courage

  • Le 15 mai 2007 à 16:14, par mimi En réponse à : Remplissez ce formulaire P0 et tout ira bien

    Grand merci à toi, j’étais justement prête à remplir ce fameux formulaire P0, que j’ai déjà en ma possession, mais est ce le bon ???...Et bien je crois que je vais attendre un peu...J’étais dans la même démarche que toi, obtenir un n°de siret et avoir le statut d’artiste libre.C’est pas gagné, je persévère...Prochaine étape, la chambre des métiers, peut être qu’ ils pourront m’aider à remplir ce formulaire en cochant les bonnes cases afin de ne pas être piégé comme toi...Car, au CDI, ils m’ont bien dit que c’était le même...mais tout dépend de ce que l’on coche..Bon courage à tous.Si j’y arrive, promis je ferais un blog ou je vous expliquerais tout...Bonne chance à tous

  • Le 16 novembre 2007 à 12:50, par jules En réponse à : Remplissez ce formulaire P0 et tout ira bien

    Même galère pour moi, je ne rentre pas dans le détail, ce serait trop long, mais cela fait 3 fois que je vais à l’URSSAf pour m’enregistrer en tant que réalisateur de films institutionnels et ils tirent à chaque fois la même gueulle de 12m de long.
    J’ai confirmation du bien fondé de ma demande auprès de l’UNAPL (union des professions libérales), auprès de la CCi, sur des forums de pros, et aussi un pote qui a la même activité que moi et qui lui à reussi à s’inscrire à l’urssaf en Picardie.
    Bref, c’est une honte, je suis sans recours.
    Je vais aller directement au siège de l’urssaf et appeler un avocat gratuit, mais quelle humiliation et quel temps perdu, surtout lorsqu’on se sait dans son bon droit. Je ressens un grand sentiment d’impuissance, et risque de perdre mes clients.
    Bravo l’administration !

  • Le 9 septembre 2011 à 22:48, par sandrin En réponse à : Remplissez ce formulaire P0 et tout ira bien

    L’administration : un vivier pour écrivains. Vous racontez plutot bien vos déboires, et même si ça vous a été difficile, on en rit. Je suis en pleine recherche pour moi aussi savoir quel po je dois remplir. Je n’ose aller aux impots demander quelques explications/éclaircissements. je vais attendre que la lumière me vienne comme par miracle, - une illumination. ne plus bouger, ne rien bouger.

  • Le 25 juillet 2012 à 14:57, par The Heartsless Witch En réponse à : Remplissez ce formulaire P0 et tout ira bien

    ah... et bien voilà donc une nouvelle !
    moi qui était allée au centre des impôts toute contente que j’étais d’avoir mon « fameux » formulaire P0... va falloir que je m’y penche plus sérieusement !
    comme c’est galère ! se retrouver sans revenus avec des charges à payer, alors qu’ils se sont trompés... pffff, comme tu dois être contente que tout soit rentré dans l’ordre !

  • Le 12 avril 2014 à 19:09, par Éric En réponse à : Remplissez ce formulaire P0 et tout ira bien

    De ma modeste expérience je vous recommande de faire un tour sur le site cfenet.cci.fr ou vous pouvez effectuer toutes vos démarches de création, modification et cessation d’activité en passant par embauche, changement de statut et augmentation de capital. Leur service s’occupe de contacter chaque administration concernée par votre projet. Allez y faire un tour.

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