Plus d’ouverture

Traductions : More openness

16 novembre 2015,
par Romy Têtue

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Que dire après une tuerie ? Que répondre à la terreur ? Une réponse est relayée sur les réseaux sociaux depuis que nous sommes, nous aussi, touchés par des actes terroristes meurtriers. La seule qui m’est audible, et que je regrette de ne pas entendre de la part de nos politiques. Et qui tourne en boucle dans ma tête, depuis que la France n’est plus capable de proposer mieux que des mesures liberticides. Pardon, mais je capte la lumière ailleurs :

« J’ai un message pour celui qui nous a attaqué et pour ceux qui sont derrière tout ça : vous ne nous détruirez pas. Vous ne détruirez pas la démocratie et notre travail pour rendre le monde meilleur. […] Nous allons répondre à la terreur par plus de démocratie, plus d’ouverture et de tolérance [*]. »

Telle est la réponse du premier ministre norvégien, Jens Stoltenberg, suite au massacre de 77 personnes, à Oslo et sur l’île d’Utøya, le 22 juillet 2011. Il n’est pas seul, puisque le lendemain, le roi poursuit dans la même direction : Je m’accroche à la croyance que la liberté est plus forte que la peur, je m’accroche à la croyance en une démocratie et une société norvégienne ouverte. Je m’accroche à la croyance en notre capacité à vivre librement et en sécurité dans notre propre pays. Faisant écho à ces mots de Benjamin Franklin, que nos gouvernants semblent oublier : Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre, et finit par perdre les deux.

Surtout pas de naïveté

Certain·e·s jugeront cette réponse naïve. Dangereusement angélique. Voire même que cette ouverture, trop permissive, est propice à la barbarie. Qu’il faut craindre. Se protéger. Renforcer la sécurité, les contrôles, les frontières, se méfier des migrants et mieux armer les forces de l’ordre, voire même les citoyens, rétablir la peine de mort et buter ces fils de p…

C’est ainsi que l’extrême-droite, en la personne de Jean-Marie Le Pen, affirme que le problème n’est pas le massacre mais la « naïveté » du gouvernement norvégien, sa tolérance et son ouverture, et la société qui en résulte, pacifique et multiculturelle.

C’est tout au contraire, ici, dans la suspicion de naïveté, dans ces pensées dictés par la crainte du danger, que se niche ce qui nourrit les inimitiés et radicalise peu à peu les esprits, au risque du pire. Si nous laissons passer dans nos discours ces phrases ignobles, si nous laissons passer cette idée que l’Europe d’aujourd’hui ne peut pas être une société multiculturelle, alors nous faisons tous ensemble le lit de ceux qui font les choses les plus horribles. […] Nous créons le climat où des fous, des cinglés, puissent agir de cette manière. répondait Daniel Cohn-Bendit, lors d’un vif échange au Parlement Européen, en septembre 2011.

La naïveté est de croire, comme les gosses, que l’on répond à la violence par la violence. Qu’il faut répondre aux coups en frappant plus fort. Que la réponse à ces massacres sanglants peut être la fermeté prônée par notre président, avec le renforcement des contrôles de sécurité, la fermeture des frontières et même, déjà, des bombardements punitifs, nous engageant dans la spirale de la surenchère… Ne soyez pas si naïfs ! Ne tombez pas dans le piège terroriste : ne laissez pas la peur, la colère, le ressenti, dicter vos réactions. Ne nous abaissons pas à leur niveau.

Le discours du premier ministre norvégien — puissions-nous l’entendre et en tirer enseignement — est disponible intégralement en vidéo sous-titrée. Il se terminait par ces mots :

La réponse à la violence, c’est encore plus de démocratie, encore plus d’humanité [*], mais surtout pas de naïveté. C’est ce que nous devons aux victimes et à leurs familles.

Des jeunes qui se mélangent

« Nous étions intéressés par le socialisme et fascinés par le modèle scandinave. » dit Natia Chkhetiani, rescapée d’Utøya, venue de Georgie pour s’installer en Norvège, y vivre le modèle scandinave : « je voulais comprendre et participer pour avancer. » Les victimes et rescapés d’Utøya étaient des jeunes à l’image de ces sociétés multiculturelles qui existent en Europe. Comme les rescapés et victimes des récents attentats, qui endeuillent aujourd’hui Paris : français, chiliens, algériens, espagnols, roumains… Des jeunes qui se rassemblent, heureux d’être ensemble, se rencontrent, s’aiment. Des jeunes qui se mélangent.

C’est la réalité de l’Europe d’aujourd’hui. Je veux continuer à vivre en paix avec ceux qui m’entourent. Les Blancs, les Noirs, les Jaunes, les Arabes, ceux qui prient et ceux qui picolent, celles qui se voilent et celles qui se teignent les cheveux en bleu témoigne Armance Ageorges, rescapée du Bataclan. Elle nous demande :

Dites non au gouvernement lorsqu’il essaiera de faire passer des mesures d’urgence liberticides et horribles pour ceux qui en seront les victimes.

Plus d’ouverture

Le problème, c’est notre peur. Légitime. Humaine. Comment calme-t-on la peur ? En réconfortant. En ouvrant la porte. Comme l’ont fait spontanément tant de parisien·ne·s en cette nuit terrible. Le problème, ce sont nos peurs, de l’autre, de l’étranger, du danger. On les désamorce par plus d’ouverture et d’humanité. En accueillant.

Il ne faut pas être naïf pour ouvrir sa porte. Mais lucide. Et déterminé·e à vivre en pays libre. Personnellement, j’ai bien moins peur des attentats que de l’échec de notre fraternité, troisième mot, rappelons-le, de notre devise. Ça mettrait un sale coup à notre République. Ne leur offrons pas cette victoire.

Vendredi 13 novembre, des personnes ont ouvert leurs portes à des inconnus sans hésiter.

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Vos commentaires

  • Le 16 novembre 2015 à 13:40, par Romy Têtue En réponse à : Plus d’ouverture

    Tiens, Jean-Luc Mélenchon tweete de même : La réponse aux assassins doit être plus de fraternité, plus de démocratie, plus d’amour mais pas moins de débat.

  • Le 17 novembre 2015 à 15:14, par Romy Têtue En réponse à : Plus d’ouverture

    Il ne faut pas faire le jeu de l’ennemi. Aujourd’hui, le piège qui nous est tendu, c’est l’idée que nous sommes en guerre et que nous devons faire la guerre dit l’ancien premier ministre, Dominique de Villepin, avant-hier sur RTL (via Carnet de notes). Et avant : La guerre contre le terrorisme ne peut pas être gagnée. […] Il faut être capable d’employer la force de l’esprit, la ruse, les moyens de la paix pour désolidariser des forces qui s’agglutinent autour de ces forces terroristes. Six minutes d’intelligence et de lucidité, à réécouter : Quand Dominique de Villepin s’opposait à la « guerre » contre l’Etat islamique, sur France 2, en septembre 2014.

  • Le 17 novembre 2015 à 22:42, par Romy Têtue En réponse à : Plus d’ouverture

    Au lendemain de son discours martial au Congrès, le président français Hollande délivre un discours « supplément d’âme » à l’Unesco : À la barbarie, nous devons opposer l’invincible humanité de la culture […] Le dialogue entre les cultures c’est tout le contraire de l’obscurantisme, de l’islamisme, de l’intégrisme.

  • Le 18 novembre 2015 à 23:53, par Romy Têtue En réponse à : Plus d’ouverture

    Romain Berjon appelle nos élus à entendre le cri sourd du pays qui demande que nous ayons la trempe, cette fois, de ne pas céder. Trop souvent déjà nous avons été assaillis, et trop souvent notre seule réponse fut d’abonder dans le sens de nos agresseurs en renonçant à ces idées si chères qui, ensemble, nous définissent, et que tous, par nos actes, nous définissons. Il demande la force de ne pas oublier que l’enfer d’un soir pour nous est l’enfer quotidien de ceux qui viennent par dizaines de milliers solliciter notre asile ; il demande que la #PorteOuverte ne le soit pas qu’aux seuls Parisiens. (via Open Time)

  • Le 19 novembre 2015 à 12:11, par Nakiloe En réponse à : Plus d’ouverture

    Merci de savoir dire ce que je pense et que je n’arrivais pas à exprimer :)

  • Le 19 novembre 2015 à 14:03, par Romy Têtue En réponse à : Plus d’ouverture

    Encore une variante de cette citation : Nous devons répondre à la terreur par + de démocratie, + d’ouverture, + de solidarité ! pour tweeter la prise de position de la députée du Calvados, Isabelle Attard : Nul, par la guerre, ne devient grand : En conscience et responsabilité, je voterai contre la prolongation de l’état d’urgence. Gouvernement et parlementaires doivent se ressaisir et sortir de la gesticulation guerrière et médiatique. La dignité des survivants et des proches exige un comportement à la hauteur des enjeux.

  • Le 19 novembre 2015 à 16:36, par Gaël Poupard En réponse à : Plus d’ouverture

    Je n’ai qu’une chose à dire :
    ❤❤❤❤❤❤❤❤❤❤

  • Le 19 novembre 2015 à 17:24, par Romy Têtue En réponse à : Plus d’ouverture

    Modifier notre Constitution sur injonction de Daech, c’est donner aux terroristes la victoire qu’ils espèrent, dit le juriste Jean-Pierre Dubois : Sans faire de procès d’intention a priori, ce qui a été annoncé par François Hollande cette semaine est exactement le contraire d’une réponse démocratique acceptable. Dire que nous sommes dans une situation d’exception pour une durée indéterminée — qui pourrait durer cinq, dix ans ! — c’est renoncer à ce que nous sommes. C’est faire un cadeau incroyable aux assassins. Le Premier ministre de Norvège après la tuerie effroyable d’Oslo en 2011 avait déclaré : “Bien entendu nous ne changerons rien à ce que nous sommes”. L’inverse de notre gouvernement qui dit : “Bien entendu nous allons changer ce que nous sommes”. Nous devons choisir entre la ligne de la Norvège et la ligne de George W. Bush, qui a eu les conséquences que l’on sait.

  • Le 20 novembre 2015 à 21:00, par Romy Têtue En réponse à : Plus d’ouverture

    Seuls 6 députés ont gardé assez de lucidité pour voter contre l’état d’urgence et la révision constitutionnelle (et s’en expliquent dans Slate.fr) : Pouria Amirshahi, Barbara Romagnan, Isabelle Attard, Gérard Sebaoun, Sergio Coronado et Noël Mamère, sans oublier l’abstention de Fanélie Carrey-Conte.

  • Le 22 mars 2016 à 23:57, par Romy Têtue En réponse à : Plus d’ouverture

    La Belgique est aujourd’hui le vingtième pays touché par le terrorisme islamiste.

    Alors que la France continue de piaffer, comme un gosse, que nous sommes en guerre, d’attiser les haines, certains interrogeant même la « naïveté » belge… Tandis que la France s’enfonce dans l’arrogance belliqueuse, autrement plus digne, le roi Philippe invite les Belges à « continuer de travailler ensemble calmement, sûrement et avec dignité. Nous devons continuer à nous faire confiance. C’est notre force. » La Suède se distingue encore, en la personne de son premier ministre, Stefan Löfven : « C’est une attaque contre l’Europe démocratique. Nous n’accepterons jamais que des terroristes agressent nos sociétés ouvertes. »

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