OUI au volume, NON aux paquets !

2 octobre 2006,
par Romy Têtue

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C’est toujours la même chose lorsque je reviens de l’étranger : les images de femmes me sautent à la face, en particulier celles publicitaires, si ostentatoires. Pourtant je n’étais pas partie loin. Pas suffisamment loin pour être si dépaysée. J’étais en Europe. Dans un pays où la publicité affichée dans la rue, à la vue de tous et toutes, est aussi chose courante. De fait, je ne comprends pas pourquoi j’ai à nouveau été si surprise au retour. N’y-a-t’il donc qu’en France qu’on voit tel étalage de photos de femmes publicitaires ?

Et encore, celle-ci est soft me direz-vous, il n’y a pas de quoi s’étonner à sa vue. Pourtant, j’étais saisie. C’est pourtant celle-là, la première que j’ai vue à mon retour, qui m’a choqué. Je suis restée quelques secondes, stupide, à ne pas très bien comprendre ce que je regardais, à ne plus trop savoir dans quel pays j’étais arrivée. Ça fait tout drôle, vous savez, en rentrant de l’étranger, de tomber nez à nez avec tel faciès, placardé aux quatre coins de la place. J’étais cernée. Un instant j’ai cru qu’on avait changé de régime politique, et que s’étalait là et partout, sur cette place et sur toutes celles que je n’avais pas encore traversées, le visage du nouveau dictateur qui, en proie à sa pathologique mégalomanie, avait édicté pendant mon absence le culte de sa personnalité par voie d’affichage public, comme tout bon dictateur qui se respecte. Brrrr ! il a le regard bien noir mon nouveau dictateur ! Un regard glacial, aux reflets d’iceberg, hérissé de herses. Et voici sans doute ses sbires, sa police de répression, ses armoires à glaces propres à faire régner l’ordre, symbolisés par ces deux figurines tout aussi noires, sans bouche (et sans voix), avec des yeux ronds comme des lentilles de caméras de surveillance… Gloups, quelle joie !

C’est là que je prends conscience que le visage sourit. Enfin, encore faut-il s’en rendre compte : la bouche est ouverte, mais en partie cachée par une pancarte, et finalement non, elle ne crie pas, puisqu’on discerne quelques fossettes qui indiquent plutôt le sourire, voire l’éclat de joie. Quoique… avec ce regard à faire froid dans le dos, j’hésite. Mais non : il s’agit bien d’un sourire. Que fait cette femme démesurée à sourire ainsi à répétition, avec hystérie, au risque de la crampe zygomatique, aux quatre coins de la place ? Mais que se passe-t-il donc ?

Ses sbires brandissent des pancartes, ainsi qu’une massue hérissée de dents comme un peigne, étrangement rose. Aïe ! C’est une publicité, ce n’est rien qu’une publicité, me répètes-je, une publicité, ça vend un truc, mais quoi ? Un mas-ca-ra. J’avais oublié ce mot. J’en retrouve soudain le sens. Absurde. Un mascara ! Quoi, on fait un tel cirque pour un… mascara ! Le voilà donc, mon nouveau dictateur : un mascara noir. Et me voici enfin revenue au pays, ça y est, j’y suis : je viens de rentrer à Paris capitale de la mode, au pays qui exhibe ses femmes à demies-nues dans les rues, au paradis artificiel des cosmétiques, des grands couturiers et des top-modèles anorexiques, sur ces terres soumises au sacro-saint diktat de la mode. J’avais oublié. Quelle claque !

Croyez-vous qu’au dos de se panneau se trouve un plan de la ville ? que nenni : la même femme à la bouche ouverte hurle son bonheur de connaître le nouveau mascara Bourjois pour que tout le monde l’entende. Scandons en cœur : « OUI au volume, NON aux paquets ! » En réalité, nul-le ne peut y échapper. D’où que je sois, sur cette place, je la vois. Elle est partout.
Et elle nous prend pour des idiotes, avec ses slogans aux résonances militantes, qui laissent entendre que ce serait acte d’émancipation, voire de libération, que de faire usage de ce machin revendiqué par le « front de libération des cils ». J’avais oublié ça : dans ce pays on nous prend vraiment pour des connes. Bienvenue en France.

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Vos commentaires

  • Le 2 novembre 2006 à 18:38, par Ivi Kromm En réponse à : OUI au volume, NON au paquets !

    Bonjour ! J’ai cliqué sur votre lien et me voilà ici... Eviemment je partage complètement votre point de vue, sauf que, petit détail, ce n’est pas « celle-ci en a fait un poème » mais... « celui-ci » qu’il fallait écrire !
    Eh oui, il n’y a pas forcément que la gente féminine pour être gonflé par ce genre d’affiches qui ne séduisent pas TOUTE la gente masculine. Heureusement, non ?
    Allez, je reconnais, ma photo porte à confusion.
    Bonne continuation,
    Ivi Kromm.

  • Le 3 novembre 2006 à 10:31, par Romy Têtue En réponse à : OUI au volume, NON au paquets !

    Oups, désolée, c’est corrigé !
    Ça m’arrive aussi ;-)

  • Le 22 décembre 2006 à 13:07, par Laurent En réponse à : OUI au volume, NON au paquets !

    Les publicitaires rivalisent d’originalité pour nous présenter leurs produits, nous inciter/obliger à acheter leurs marques. Ils exploitent la vague du Non au référendum sur la Constitution européenne pour nous vendre du mascara : sur internet, à la télé, dans la presse écrite...

    Mais quand ces publicitaires auront compris que la plupart des gens n’en ont rien à faire de leurs pubs à 2 sous dans les journaux ; que pendant les publicités à la télé, les téléspectateurs vont faire un tour aux toilettes pour échapper à ces pubs ; que beaucoup d’internautes utilisent des systèmes anti-pubs pour effacer les bandeaux indésirables ; ces publicitaires se décideront à changer de métiers.

  • Le 28 février 2007 à 11:10, par Jessica En réponse à : OUI au volume, NON aux paquets !

    Je travaille actuellement sur l’argumentation dans la pub, et je voudrais travailler sur la campagne de Bourjois. Je voulais juste savoir de quand
    elle datait ?

  • Le 28 février 2012 à 01:31, par Agathe En réponse à : OUI au volume, NON aux paquets !

    C’est assez agaçant cette façon « d’objetiser » la femme, heureusement que la plupart des gens prennent ça au seconde degré !

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