Un crime sexiste dénoncé comme tel par les seul·e·s concerné·e·s, un élu local qui n’y comprend rien, des journalistes trop longtemps indifférents, soudain massivement présents, mais manquant de respect et tenant à l’écart la foule solidaire : symptomatique de notre société ?
Plusieurs centaines de personnes marchaient silencieusement, réunies derrière quelques banderoles : Aujourd’hui Chahrazad, demain qui ? Chahrazad réclame justice et le droit de dire non
. Plusieurs associations étaient présentes, mais discrètement : quelques badges, une petite pancarte Ni Putes Ni Soumises
, c’est tout. Beaucoup de caméras, appareils photos, micros, perches, carnets de notes, dictaphones... et on faisait une pause tous les 50 mètres, comme pour permettre à tout ce beau monde d’interviewer et faire de l’image.

Arrivés à l’hôtel de ville, la famille, les représentant-e-s d’asso et les élus qui étaient en tête de cortège, en gravissent les marches, se tournent vers nous, mais les médias, se précipitant à leur suite, font littéralement rempart, les séparant du cortège. Une fois en place, les journalistes n’ont pas daigné bouger, et certains ont même manifesté de l’agacement, lorsque des représentant-e-s d’asso, puis des cris dans la foule, leur demandaient périodiquement baissez-vous au moins !
ou encore laissez-nous être ensemble, respectez ce moment !
. En réalité, on ne se voyait plus les uns les autres. La famille n’aura pu voir les visages, ni apprécier le nombre de personnes venues en soutien. Côté foule, tout ce qu’on voyait, c’était une paire de bras tendus en l’air qui se relayait pour montrer un portrait de Chahrazad... Des voix parlaient dans le micro, sans que l’on puisse voir qui s’exprimait.
Odieux, un journaliste gueulait traducteur ! traducteur !
, dès que le père ou la mère s’exprimait dans leur langue (pourtant aussitôt traduits, évidemment, pas besoin de réclamer). Un cameraman intervient soudain, du haut de son perchoir, pour demander les prénoms des parents ; on s’interrompt très gentiment pour les lui dire ; il ne les comprend pas, hein ? quoi ?
, demande qu’on les lui écrive, faisant bien sentir que les sonorités de ces prénoms ne lui sont guère familières. Quelle délicatesse, quel respect !
J’ignore si ce comportement est habituel de la part des journalistes, et si je tombe naïvement des nues, mais c’était tout à fait choquant.

cortège.
Premières à prendre la parole, les assos (MRAP & NPNS) pensaient à la jeunesse des banlieues et s’indignaient de cette violence ni culturelle, ni religieuse, ni... Même la présidente de NPNS, Fadela Amara, n’a pas explicitement nommée cette violence, tout simplement sexiste [1]. La banderole Chahrazad, victime du machisme
affichée sur la mairie était sans doute suffisante, puisque l’agence Reuters n’oublie pas de rappeler : Avant Chahrazad, Sohane, Ghofrane, Stéphanie, Miu Ju ont elles aussi été victimes du machisme et de la barbarie. Rien ne peut justifier de tels actes qui ne doivent plus se reproduire.
Le discours du maire, Jacques Maheas, fut pathétique : axé sur les récentes émeutes, les violences urbaines, la sérénité dans sa ville, patati patata... S’apitoyant (ton mélodramatique) sur la pauvre Chahrazad sur son lit d’hôpital
, l’élu qu’il est ne pense pas à dénoncer les auteurs de ces violences récurrentes envers les femmes, violences qui coûtent si cher à toute la société, tant en vies humaines qu’en soins, arrêts maladie, allocations d’invalidité, etc [2]. Non, trop à côté de la plaque, il n’y pense pas, n’y comprend manifestement rien et le reconnaît implicitement en qualifiant lui-même cette violence d’incompréhensible
. La perle ? il a fait un lapsus phénoménal, je cite : et je tiens à remercier l’association des filles putes et soumises...
oubliant la négation !!!! Évidemment copieusement hué par la foule.

Enfin, le frère de Chahrazad, sa mère, puis son père prennent la parole. Ce sont eux qui, non seulement dignes, semblent les plus clairs, demandant justice pas vengeance
, disant et répétant plusieurs fois : on est là pour Chahrazad, pour notre fille, mais pas seulement : on est là aussi pour toutes les autres, pour dénoncer toutes les violences envers les femmes, parce que ces violences sont inacceptables et doivent cesser
[3]. Enfin, c’est dit. Par delà le barrage des journalistes, la foule applaudit vivement. Une jeune fille s’écroule en larmes, que ses amies soutiennent.
Trois jeunes lycéennes discutent à l’arrêt de bus, au retour : Les
.
garçons sont solidaires qu’y disent. Tu les as vu toi ? y’en avait pas
un du lycée !
Vos commentaires
1. Le 1er décembre 2005 à 14:03, par comradE Ogilvy
En réponse à : Marche de soutien
Merci, Romy. D’en parler, d’y être allée, et de ce brillant reportage.
2. Le 1er décembre 2005 à 18:13, par quote
En réponse à : et après ?
25 novembre 2005 : Journée Internationale contre les violences faites aux femmes et après ?
3. Le 8 février 2006 à 17:23, par fatima
En réponse à : Marche de soutien à Chahrazad, victime du machisme
Je trouve ce reportage trés bien, j’avais entendu parler de sa et ce n’est pas par hasard que je suis tombée ici. Je voulais voir. Et j’ai trouver ce que je voulais. J’espere que chahrazad sortiras trés vite du coma.
4. Le 18 novembre 2006 à 10:18, par Romy Têtue
En réponse à : Marche de soutien à Chahrazad, victime du machisme
Chahrazad Belayni avait estimé que « tous les moyens nécessaires » pour retrouver son agresseur alors en fuite n’avaient « pas été mis en œuvre ». Un an après, on retrouve enfin son agresseur qui s’était réfugié au Pakistan après l’avoir brûlée vive parce qu’il ne supportait pas qu’elle lui refuse sa main. Le corps brûlé à 60 %, Chahrazad a subi depuis plusieurs opérations de chirurgie réparatrice.
Voir : L’agresseur présumé de Chahrazad se livre à la justice, lefigaro.fr (avec Reuters et AFP), 18/11/2006.
5. Le 18 novembre 2006 à 13:18, par Xander
En réponse à : Xander
Le MRAP, dont certains membres ont participés à la marche des indigenes de la republique, ou encore qui a porté plainte contre les caricatures de mahomet ( c’est la laique attitude version Mouloud Aounit ) ferait mieux de se faire tout petit quand des gens pas si eloignés d’eux dans leurs actions brulent une jeune femme.
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