Après les voitures, on brûle les filles !
disait déjà Kahina en 2002, après la mort de sa sœur, Sohane Benziane, brûlée vive.
On compte par milliers les voitures qui brûlent en ce moment dans les banlieues, et les médias ne parlent plus que des « jeunes des cités »… mais où sont les « filles des cités » ? absentes. On ne les voit pas, ne les entends pas, dans cette actualité au masculin.
Elles existent pourtant. Et auraient bien des raisons de se plaindre. Car on sait que partout où règne la violence, femmes et filles en sont les premières victimes. Car on sait, plus prosaïquement, qu’on ne brûle pas que les voitures, mais aussi les femmes, comme le disait déjà Kahina Benziane en 2002, après la mort de sa sœur, Sohane, brûlée vive. Car on se souvient de la « marche des femmes des quartiers » qui a ensuite traversé la France en 2003 pour tirer la sonnette d’alarme, dénonçant ces violences, multiples et quotidiennes.
Quelques années après, on aurait espéré qu’ayant été entendues, les choses aient changé : qu’on ne brûle plus les filles, que les médias daignent s’intéresser à elles, relayer leur parole.
Mais non, comme le disait aussi Kahina, ça n’en finit pas de brûler. Le 8 novembre dernier, l’Alliance des Femmes pour la Démocratie apprenait que plusieurs jeunes femmes avaient été violemment agressées ces derniers jours, l’une échappant de justesse à une immolation [1]. Et voici le mail que je reçois ce matin, abondamment forwardé :
« J’habite à Neuilly sur Marne et je voulais témoigner d’un fait dramatique qui vient d’arriver tout près de chez moi. Dimanche matin à 9H une jeune fille Marocaine, Shérazade, 18 ans a été brûlée vive par 2 jeunes Pakistanais. La seule erreur qu’elle a commise, c’était de refuser les avances insistantes de l’un d’eux et de refuser les nombreuses demandes en mariage qu’il lui avait faites. Aujourd’hui Shérazade est à l’hôpital au service des grands brûlés, son corps et son visage sont brûlés à 60 % et elle se trouve dans un coma artificiel pour lui éviter des souffrances insupportables. Aucun journaliste n’est là pour relater cette tragédie alors qu’on nous abreuve chaque jour d’images sur la violence dans les banlieues. »
Ça ressemble à s’y méprendre à un hoax — information sensationnelle, brûlante d’actualité, appel à l’aide plus ou moins pipeau — mais c’est hélas véridique. Une brève de l’AFP datée du 14 novembre [2] et France 3 région (dimanche soir) ont, brièvement, relayé l’information, comme s’il s’agissait d’un cas isolé, parlant encore de « dépit amoureux », mais toujours pas de crime sexiste. D’autres médias « alternatifs », des sites web, s’enquièrent maintenant de l’origine culturelle des protagonistes arguant que ces faits sont « coutumiers dans ces cultures ». Or la violence n’est jamais le propre d’une ethnie, d’une culture ou d’une religion, excepté dans les conceptions xénophobes où les barbares, c’est toujours « les autres ».
Ce n’est pourtant pas la première fois qu’une femme est brûlée (lapidée, battue, abattue, poignardée, étranglée... les méthodes, et les épithètes les qualifiant, ne manquent pas). Faut-il encore le rappeler : la violence dans les relations de couple, première cause de mortalité et d’invalidité des femmes en France et en Europe, est présente dans tous les milieux socio-culturels. Et on connaît bien le scénario de ces meurtres (ou tentatives de meurtres) de séparation. Quand regarderons-nous ces actes criminels pour ce qu’ils sont ?
Et ça ne fera pas la une, une femme brûlée vive, morte ou rescapée, valant manifestement moins que plusieurs milliers de voitures brûlées. Encore, s’il n’y en avait qu’une ! J’en compte déjà trois, et il y a fort à parier que, masquées par cette indifférence qui les rend invisibles, elles sont bien plus nombreuses à souffrir, brûler et en mourir.
On apprend aujourd’hui que Shérazade est toujours à l’hôpital en coma artificiel, mais que ses jours ne sont plus en danger, elle survivra.
Vos commentaires
1. Le 17 novembre 2005 à 12:28, par folamour
En réponse à : Les jeunes filles brûlées vives dont personne ne parle
S’il existe cet enfer qu’ils promettent, pourquoi ont-ils tant besoin de le créer sur Terre ?
2. Le 18 novembre 2005 à 17:44, par Daniel
En réponse à : Ravages de la pudeur antiraciste
Bonjour, à la suite de l’info diffusée par Tous contre le voile dont le site renvoyait notamment à celui-ci, j’ai écrit deux notes dans mon blog. Ce silence me paraît d’autant plus inquiétant, qu’il semble cautionné par des gens comme Edgar Morin et Francois Burgat dans des entretiens publiés dans l’Express. L’un parle de multiculturalisme, de différences culturelles qu’il faut accepter et le second est lamentable avec Caroline Fourest qu’il accuse d’islamophobie.
3. Le 18 novembre 2005 à 17:47, par quote
En réponse à : NPNS se mobilise auprès de Shérazade
Shérazade, victime pour avoir dit « NON », NPNS
4. Le 22 novembre 2005 à 02:40, par Romy Têtue
En réponse à : Comment aider Shérazade ?
Aux dernières nouvelles, Shérazade est toujours dans le coma. Sa famille et ses ami-e-s sont touchés par les nombreux témoignages de sympathie, mais étant énormément démarchés, ne peuvent répondre à toutes les sollicitations sereinement, et préfèrent concentrer tous leurs efforts pour aider Shérazade.
Merci de ne plus faire suivre le mail initial, qui génère trop de sollicitations en retour.
Je pense qu’il faut maintenant laisser les assos d’aides aux victimes faire leur travail auprès de cette famille, et nous consacrer quant à nous, internautes, à briser le silence médiatique, faire connaître et dénoncer ces violences, pour qu’il n’y ait plus de prochaine Sohane, Pascale, Fabienne ou Shérazade (toutes brûlées vives en France depuis 2002, sans compter celles restées dans l’anonymat).
C’est la meilleure aide que nous pouvons apporter désormais.
5. Le 24 novembre 2005 à 00:10, par Romy Têtue
En réponse à : Marche de soutien à Shérazade
Une marche silencieuse pour soutenir Shérazade, victime du machisme est organisée dimanche 27 novembre à Neuilly-sur-Marne. Avant Shérazade, Sohane, Ghofrane, Stéphanie, Miu Ju... ont elles aussi été victimes de la barbarie du machisme. Rien ne peut justifier de tels actes qui ne doivent plus se reproduire !
Nous soutenons Shérazade de toutes nos forces et lui souhaitons un prompt rétablissement. En hommage à toutes les victimes du machisme et parce que ces atrocités ne sont pas une fatalité, nous marcherons derrière sa famille.
Venez nombreuses et nombreux pour manifester votre solidarité avec Shérazade. Renseignements dans le communiqué de NPNS.
6. Le 27 novembre 2005 à 21:56, par quote
En réponse à : une « horrible illustration » des violences faites aux femmes
Le cas de Sherazade, jeune fille brûlée vive par un homme dont elle repoussait les avances, est une « horrible illustration » des violences faites aux femmes, a estimé vendredi à Villeurbanne Catherine Vautrin, ministre déléguée à la Cohésion sociale et à la parité. Mme Vautrin s’exprimait à l’occasion de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes (...) « Cela touche tout le monde. Il ne faut pas se mettre la tête sous l’aile et dire ’c’est la précarité, c’est l’alcoolisme’, cela touche tous les milieux », a affirmé vendredi Catherine Vautrin, insistant sur la nécessité de « parler » de ce phénomène.
Jeune fille brûlée vive : « horrible illustration » des violences contre les femmes (Vautrin) 25 nov.
7. Le 5 mars 2009 à 10:46, par Marianne
En réponse à : Les jeunes filles brûlées vives dont personne ne parle
Une de mes amies vient de vivre la même chose. En France on montre du doigt les pays qui pratiquent ce genre d’immondices et pourtant on laisse faire chez nous sans rien dire. On évite que ça fasse trop de vagues...
JE SUIS REVOLTEE !!! Les femmes dans ce pays où ailleurs non que le droit de se taire et de souffrir en silence. On pense nos mentalités plus évoluées ??? MDR !!!!! Courage mesdames !!!
8. Le 1er juillet 2010 à 00:52, par ovni46
En réponse à : Les jeunes filles brûlées vives dont personne ne parle
Vous avez écrit :
"la violence n’est jamais le propre d’une ethnie, d’une culture ou d’une religion, excepté dans les conceptions xénophobes où les barbares, c’est toujours « les autres »."
Mais enfin, qui sont les auteurs de ces crimes abominables ? Et s’il est inadmissible que, comme le dit Marianne, "on laisse faire chez nous sans rien dire", il faut tout de même préciser que les auteurs sont toujours les mêmes. Les voisins de l’assassin de Sohane ont applaudi à ce crime. Un crime dit "d’honneur" ! Même si nous avons nos crapules, faut-il pour cela admettre des actes aussi abjects venus de coutumes importées ?
Il serait temps que l’on arrête ce tabou qui consiste à refuser de dénoncer l’origine des auteurs. Assez de cette tartuferie qui a pour prix la vie de femmes innocentes (je suis un homme !).
En France, les Musulmans qui y vivent sont à 12% favorables à la lapidation des femmes adultères en terre d’islam. Est-ce admissible ? Des dizaines de milliers de jeunes filles sont menacées de mariage forcé. Combien vont partir ces prochains jours au pays sans savoir qu’elles ne reviendront jamais en France, mariées de force au pays à un cousin qu’elles ne connaissent pas ?
Comment avoir la conscience tranquille face à de tels faits ? Assez de vos accusations indignes de "xénophobie", racisme et autres fadaises. Sortez de vos rêves ou plutôt de vos idées suicidaires !
9. Le 1er juillet 2010 à 10:54, par Romy Têtue
En réponse à : Les jeunes filles brûlées vives dont personne ne parle
« Mais enfin, qui sont les auteurs de ces crimes abominables ? » demandez-vous. D’après les chiffres des différentes études, il n’existe pas de « portrait-robot » et aucune couche sociale n’est épargnée. Ce sont majoritairement des hommes, dont une proportion importante a professionnellement un certain pouvoir (cadres, soignants, militaires, etc.) et pas plus musulmans qu’ailleurs. Vous vous trompez d’ennemi !
Comme beaucoup, vous avez du mal à comprendre le sexisme de ces actes et vous vous préférez des explications faciles et erronées, quand bien même racistes, qui reposent davantage sur la peur (de l’autre) que sur l’envie de changer (et donc de comprendre). Relisez l’article. Quand regarderons-nous ces actes criminels pour ce qu’ils sont ?
Vous ne pouvez pas vous servir de la souffrance de ces familles pour nourrir vos fantasmes racistes et si les musulmans vous dérangent, vous vous êtes trompé de site, et surtout de cause, pour l’exprimer. Si vous souhaitez vraiment défendre les femmes, comme vous le prétendez, renseignez-vous mieux sur celle-ci, justement déclarée « Grande Cause nationale 2010 ». Les hommes peuvent porter le ruban blanc pour montrer leur opposition aux violences faite aux femmes.
10. Le 10 février 2017 à 14:23, par Marie
En réponse à : Les jeunes filles brûlées vives dont personne ne parle
Article qui fait froid dans le dos. La violence machiste à l’état pur.
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