La chute du Mur

Traductions : Der Fall der Mauer

9 novembre 2009,
par Romy Têtue

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Le 9 novembre 1989, le mur de Berlin, qui divisait l’Allemagne depuis près de 30 ans, tombait. J’étais jeune et amoureuse…

Je me souviens des cours d’Allemand LV1. Nous y apprenions autant la langue, que l’Histoire et la Liberté. Depuis longtemps déjà, sentant le vent tourner, notre professeur ramenait des magazines de là-bas, Der Stern ou Der Spiegel, que l’on étudiait autant que les textes au programme. Il nous parlait des Trabant, ces drôles de petites voitures de l’Est, du temps incroyable qu’il fallait attendre pour pouvoir en posséder une, si bien qu’il fallait la commander à la naissance de l’enfant, pour la recevoir quand il serait en âge de conduire. J’avais 18 ans dans un petit village de France et je passais mon permis. Mais je n’ai jamais possédé de voiture.

Je me souviens des images que l’on découvrait de l’Est, délicieusement vieillottes, comme si le temps s’y était arrêté, avec ces usines, futures friches industrielles, ces grands bâtiments, ces couloirs sales, ces meubles en formica, ces couleurs passées, ces papiers-peints à motifs hypnotiques, ces bassines en plastique cradoc, ces tabliers à fleurettes grand’mère, cousus main, et toutes ces choses simples, bricolées maison, ce bidouillage de récupération, les chambres à air découpées en rondelles pour servir d’élastiques… toute mon enfance.
Comme si j’avais grandi en RDA. Contrairement à la plupart de celles et ceux de ma génération, je n’ai pas connu les « années 80 », pas même les tubes de Michael Jackson dont la mort récente m’indiffère, ni de Prince ou Madonna dont je me souviens avoir aperçu des posters punaisés dans d’autres chambres que la mienne. Ni les blousons tricolores, ni les fauteuils ringards en moumoute synthétique. Je n’ai jamais compris cette mode des chaussettes blanches portées entre des mocassins noirs et des pantalons feu de plancher également noirs : un vrai traumatisme visuel dont je ne me suis jamais remise.

Je me souviens comme les cours d’histoire ont changé. Le monde n’était plus binaire, partagé entre le drapeau rouge et la bannière étoilée. L’année suivante, en classe de Terminale, la guerre froide semblait aussi poussiéreuse qu’une « carte des forces en présence à la veille de la première guerre mondiale », et ne faisait plus partie de l’histoire contemporaine, laquelle semblait hésiter, indécise, sans vraiment prendre la voie de l’Europe qui était pourtant bien là, trépignant sur les bancs du lycée.
Finalement, je serai sortie de l’enseignement secondaire sans avoir suffisamment entendu parler de l’Europe qui, rêvée en 1950 par Robert Schuman, paraissait n’être qu’un fantasme, dont je n’imaginais pas voir la réalisation au cours de ma vie. Le traité de Maastricht, en 1992, semblait prématuré, le changement de monnaie, le 1er janvier 1999, aussi incroyable que la chute du mur...

Je me souviens de mon agenda posé, ouvert, au coin de ma table de classe, avec cette photo de mon homme, collée sur la couverture intérieure. Nous faisions l’amour. Heureux. Ayant découvert qu’il était possible de le faire autrement, nous avions entrepris d’explorer les 64 positions du Kâmasûtra. Naïvement, méthodiquement, joyeusement. En même temps que s’effritait le « Mur de la honte ».

Je me souviens des années lycée, plus précisément les dernières, celles de l’émancipation, celles où l’on a cessé de faire le mur, parce que les parents ont cessé d’opposer leur refus frontal, aussi systématique que stupide, parce que l’on n’est plus pucelle et qu’il n’y a plus de virginité à emmurer pour la protéger de l’hostilité du monde extérieur, que certains qualifient d’« occidental » et « décadent ».

Je me souviens de ce jour, le 9 novembre 1989, très consciemment ressenti comme historique, qui s’inscrivait en creux, parce que difficile à croire. Le mur était tombé. C’était soudain, tellement irréel. À travers la brèche, le monde s’offrait à nous. J’étais libre, pour toujours emportée par le flot de cette foule, qui passait, encore incrédule, de l’autre côté du Mur.

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