Tout a commencé par hasard. Cette fameuse année 2000, où l’on nous promettait, outre le fameux bug informatique qui n’advint jamais, moultes manifestations toutes plus grandioses et mémorables les unes que les autres.
Le seul bug que j’ai décelé cette année-là fut celui des silences médiatiques. Comme si certains tuyaux étaient bouchés, faisant que plop ! certains événements disparaissaient subrepticement…
D’une manifestation l’autre, je me suis retrouvée dans celle-ci, un jour radieux de juin : des milliers de personnes, venues du monde entier, défilaient dans les rues de Paris, dans un cortège bruyant, gai et coloré, que j’avais accompagné le long de quelques avenues, d’abord enjouée, puis intriguée de ce que j’y entendais. J’avais beau me dresser sur mes talons, je ne voyais ni la tête ni la queue du cortège, qui se perdaient aux horizons des grands boulevards. Impressionnant !
Pourtant, il n’y en eu aucun écho dans les médias, que je consultais ensuite, curieuse d’en savoir davantage sur cette étonnante manif du nouveau millénaire.
Pfff, disparu, effacé : ce défilé n’avait jamais eu lieu.
Tiens, encore un bug…
Mais à la différence d’autres événements évanescents que je parvenais finalement à décrypter, je n’avais ici rien à me mettre sous la dent. C’était l’inconnu.
Je n’avais jamais entendu parler de cette marche qui devait pourtant traverser la planète de part en part durant toute l’année 2000, et déboulait en France après avoir déferlé sur le Québec et la Suisse. Je n’avais jamais entendu les chants, slogans et autres revendications qu’elle véhiculait, telle une gay pride festive et multicolore mais non dépourvue de sens. Personne autour de moi n’en avait entendu parler, et pour cause : les médias, manifestement, faisaient l’autruche.
Tant de secret et de dissimulation fleurait bon la secte à laquelle on évite soigneusement de faire la moindre publicité. Mais les bribes d’information que je pistais ensuite ici ou là, au petit bonheur la chance, certaines relayées par des institutions et autres ONG, a priori tout à fait dignes de foi, résonnaient du même son de cloche que les tracts que j’avais glanés dans le cortège... Si tout cela était vrai, pourquoi diable n’en parlait-on pas davantage ?!
Ce n’est que bien plus tard que j’ai découvert le site officiel de ce mouvement international, par je ne sais plus quel hasardeux concours de liens hypertextes. Depuis quand existait-il, pour que je ne l’ai pas trouvé plus tôt ? Cette marche avait tout de même rassemblé plus de 200 associations nationales, organisations syndicales et politiques lors de son passage par Paris, et une délégation avait même rencontré le Premier Ministre dans la semaine suivant la manifestation. Alors quoi ???
À la différence, par exemple, des faits marquants, semblablement escamotés, de l’Eurocoupe, pour lesquels j’avais pu m’expliquer un tant soit peu ce qui avait pu motiver leur passage à la trappe, je n’ai jamais compris pourquoi la Marche Mondiale des Femmes demeurait à ce point invisible. Quel intérêt peut-il y avoir à faire taire un tel mouvement, certes contestataire, mais pacifique, qui se contente de dénoncer une injustice aussi massive qu’injustifiable, et ce pour inviter à un monde mieux partagé, plus égalitaire ? Cinq années ont passées et je n’y comprends toujours rien.
Je vous le disais, c’est ainsi que tout a commencé.
D’abord un silence médiatique de plus. Puis des pistes brouillées, des infos qui se se recoupent, certes, mais s’effilochent. Au passage, des révélations si énormes qu’on les préférerait fausses, qu’on les croit erronées, exagérées, mais qui piquent ma curiosité au vif. Mes premières questions, brouillonnes et agacées de demeurer isolées et sans réponse. Et peu à peu, année après année, la découverte de tout un pan de notre réalité qui reste cependant ignoré : l’oppression des femmes, mondiale, massive, contemporaine. Invisible.
C’est ainsi que je suis devenue féministe. Par hasard, et somme toute malgré moi. Simplement parce que je n’aime pas les silences qui mentent par omission.
Vos commentaires
1. Le 25 mai 2006 à 13:18, par JLuc
En réponse à : Des manifs effacées par les médias (2)
Bravo Romy,
t’es merveilleuse.
Pas seulement cet article mais les autres aussi. Celui sur ton parcours de création d’activité webmestre, et les autres certainement, que je découvre.
Bravo pour la qualité des thèmes abordés, et pour ta manière d’en parler... sans parler de l’habillage de ce site.
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