Hackathon écriture inclusive

29 janvier 2018,
par Romy Têtue

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Pas un jour ne passe, au bureau, sans entendre parler de bite et de couilles. Lorsque j’ai fait remarquer à mes collègues qu’ils pouvaient aussi bien s’exprimer sans ponctuer leurs phrases de ces gros mots, ils m’ont répondu : « oh, tu ne vas pas nous emmerder avec l’écriture inclusive aussi !? » Ça m’a soudainement rappelé qu’annuler le weekend d’entreprise qui s’annonçait me permettait de mieux utiliser mon temps… en participant au « hackathon écriture inclusive » prévu aux mêmes dates. Quelle bonne idée !

Goodies du hackathon écriture inclusive

Ce passionnant hackathon se déroulait dans les locaux de l’école Simplon.co qui nous rappelle que les métiers du numérique ne comptent que 30 % de femmes, et seulement 17 % de développeuses. À l’initiative de l’événement, l’agence Mots-Clés a remarqué qu’en ajoutant simplement un « ·e », les candidatures féminines augmentaient de 10 %. Le chemin vers l’égalité passe par le langage. Or beaucoup peinent à rédiger de façon inclusive : les aides, outils et ressources leur manquent. D’où ce hackathon pour les inventer.

J’étais enthousiaste de rencontrer tant de personnes motivées par l’évolution de notre langue, à commencer par Éliane Viennot elle-même, mais aussi Sylvia Duverger, co-autrices de L’Académie contre la langue française, et Raphaël Haddad, directeur du Manuel d’écriture inclusive. D’un côté des linguistes puristes de la féminisation de la langue française, prônant la réhabilitation de termes féminins pré-existants comme autrice, mairesse, doctoresse ou poétesse… de l’autre des pragmatiques à l’écoute des usages contemporains, acceptant les néologismes comme auteure, maire, docteure ou cheffe… Dites-nous comment vous féminisez les noms, et on vous dit qui vous êtes vraiment. Les débats furent argumentés et bienveillants, ce qui les rendaient d’autant plus passionnants et constructifs. Au total, ce hackathon réunissaient 75 participant·es de milieux, de genres et d’âges divers, tant linguistes que développeurs et développeuses. En émergèrent 25 idées, dont une dizaine furent développées durant le weekend :

Bouton générateur de point médian
  • Alt0183 est une extension de clavier pour faciliter l’usage du point médian, palliant la difficulté actuelle de saisie au clavier de ce caractère. J’adore ce gros bouton qui permet de créer un point médian (et d’autres combinaisons de caractères) d’un coup de poing, juste en tapant dessus !
  • Égalexique est un dictionnaire répertoriant 400 métiers au masculin et au féminin, permettant d’entrer un mot et d’en découvrir l’histoire et la signification. La version béta du site permet déjà de découvrir le mot « écrivaine ».
  • La disparition est un jeu vidéo (en développement) dans lequel vous incarnez une journaliste d’investigation enquêtant sur des mystérieuses disparitions de femmes… une manière de sensibiliser à l’invisibilisation des femmes dans la langue française.
  • La semaine inclusive francophone (SIF), à destination des élèves d’écoles primaires, propose de démocratiser l’écriture inclusive, au cours de la semaine de la langue française et Francophonie, en 2020.
  • Épinglons-les propose des affiches de sensibilisation pour promouvoir l’emploi de l’écriture inclusive en entreprise.
  • #Taglinclusive est un groupe Facebook qui recense les sites, livres, commerces, entreprises, etc. pratiquant l’écriture inclusive pour montrer par l’exemple que cette manière d’écrire et de s’exprimer est déjà répandue.
  • Enfin, un groupe a planché sur le « Google Translate de l’écriture inclusive », c’est-à-dire une convertisseuse (bientôt en ligne), appelée Incluzor·e, qui permettra de copier-coller un texte pour le traduire automatiquement en langage inclusif. C’est le projet que j’ai décidé de rejoindre.
Programmation des remplacements de mots pour inclure le féminin

Nous nous sommes coordonné·es sur Slack, Framapad… Je ne savais pas trop quoi apporter, entre ma connaissance de l’écriture inclusive, qui est ici toute relative étant donné les pointures présentes, et mes compétences en UX design, peu utiles dans ce contexte où il s’agit surtout d’affûter un algorithme. Comme il n’y a pas qu’une seule façon d’écrire inclusif, nous avons choisi de proposer quatre niveaux, plus ou moins militants. Nous avons aussi initié un lexique inclusif à enrichir collectivement. Infichue de cloner le dépôt Github pour co-designer directement dans le navigateur, j’ai finalement réalisé la maquette avec Moqups, qui a servit pour la démo finale.

J’étais dans l’avion au moment de la remise des prix. Ce n’est qu’à l’atterrissage que j’ai découvert que le grand prix du jury… nous a été attribué, wahou, grosse fierté ! Bravo l’équipe ! Un projet à suivre, via le compte twitter @incluzor.

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Vos commentaires

  • Le 30 janvier 2018 à 14:30, par annso En réponse à : Hackathon écriture inclusive

    Merci pour ce compte rendu, ça avait l’air d’un très chouette hackathon ! Si j’avais été parisienne, j’aurais participé avec plaisir ! Je suis particulièrement fan du gros bouton rouge :D

    Par contre, après avoir visité quelques sites conçus pendant le hackaton, j’en ai le cerveau tout retourné sur OÙ DIABLE DOIT-ON METTRE LES POINTS (et quel point ?) : j’ai vu des points du bas ou des doubles points (par exemple sur le chouette faux site de la SIF : « des enseignant·e·s impliqué·e·s »). À chaque nouvelle « orthographe », mon cerveau doit se réhabituer pour lire correctement (et pourtant dieu sait que je déteste l’argument contre « c’est illisible ») ! Vivement donc que l’écriture inclusive soit normalisée ET normale !

  • Le 31 janvier 2018 à 16:48, par Romy Têtue En réponse à : Hackathon écriture inclusive

    Effectivement, il n’y a pas qu’une seule manière de s’exprimer de façon inclusive et les outils développés pendant ce hackathon se sont efforcés de préserver cette liberté. Car ce n’est pas une norme (et heureusement). Les usages sont divers, presque aussi variés qu’il y a de locuteurs et locutrices. C’est le propre d’une langue vivante. À toi de te l’approprier et de trouver ton usage !

    Pour répondre à tes questions pratiques, voici déjà pour ne plus confondre entre les différents points, sachant qu’un seul suffit par mot, comme illustré dans cet autre article.

  • Le 7 février 2018 à 16:10, par Stéphane Bortzmeyer En réponse à : Hackathon écriture inclusive

    L’idée d’Incluzor·e m’avait semblé intéressante mais je n’ai pas réussi à le faire fonctionner. Je mets mon texte à gauche, je clique sur « Réécrire » et rien ne se passe.

    Version pré-alpha, et il faut patienter (ou participer) encore un peu ?

  • Le 25 février 2018 à 19:52, par Romy Têtue En réponse à : Hackathon écriture inclusive

    Oui Stéphane, c’est encore en développement. Je viens donc de mettre à jour le site incluzor.fr pour l’indiquer clairement :)

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