Oh joie ! j’ai retrouvé mon Paris, ses embouteillages et ses mécontents !
De retour sur Paris, je m’enthousiasme à l’idée de faire biper mon passe Navigo tout nouveau tout beau, lequel me permet d’aller et venir à ma guise, en métro, en bus, en RER, en TER et même en vélib. Mais hélas, me voilà coincée sur une place Gambetta impraticable, pleine de coups de klaxon et de sirènes, et mon bus n’arrive toujours pas. Pour m’occuper l’esprit, je préfère trotter jusqu’au Père Lachaise, dont je découvre l’abribus grouillant de monde et d’impatience. Merde. J’attends encore. Un bus descend enfin l’avenue...
Les usagers mécontents râlent. Une dame, qui désespère de prendre le bus 69, houspille la conductrice du bus 61 qui vient d’arriver :
— Ça fait 25 minutes que j’attends ! Vingt-cinq ! Quelle explication avez-vous à me donner ?
— Ah bin, c’est simple : c’est m’sieur Sarkozy qui a fermé le pont d’Austerlitz et bouclé les alentours et ça bloque toute la circulation [1]...
— Oh non, encore lui !??
— Oui. Y nous emmerde, y sait faire que ça, jusqu’au soir chez nous, à coller sa tronche dans nos téléviseurs...
— Pouah !
La dame, dépitée et coite, se rassoit sous l’abribus. Plus tard, alors que nous stationnons depuis plusieurs minutes au milieu d’un énième carrefour, pare-choc contre pare-choc, emboités comme les briques d’un Tétris géant, entre lesquels les vélibistes et autres cyclistes mettent pied à terre et lèvent le nez en périscope, perdus qu’ils sont dans un labyrinthe dont ils ne voient plus l’issue, une petite vieille maugrée :
J’ai jamais vu ça. C’est bloqué de partout. Paris ne circule plus. C’est comme ça depuis la place Gambetta, c’est bloqué jusqu’aux portes de Paris. Qu’est-ce qu’il nous emmerde celui-là !
Dans mon dos, une jolie minette appelle discrètement sa copine au téléphone :
Je te préviens, si tu as des déplacements aujourd’hui, surtout pars en avance ! Sarko a bloqué tout Paris pour sa cérémonie. Le trajet des bus est modifié. On ne peut plus traverser la Seine. Mais si, je t’assure ! Mon bus est terminus Voltaire, oui, en plein onzième et démerde-toi à pattes pour la suite !
J’ai presque trois quart d’heure de retard, mais je jubile intérieurement. J’ai retrouvé mon Paris, ses embouteillages et ses mécontents, ces insoumis qui ont fait 1789 [2] et qui embrocheraient volontiers la tête du nabot mégalo qui nous fait office de président, au bout d’une pique. Comme disait Voltaire, notre terminus du jour, Le meilleur gouvernement est celui où il y a le moins d’hommes inutiles
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