Bridget Jones, princesse navrante

On se fout de notre gueule !

12 mai 2002,
par Romy Têtue


Ai passé la journée à bouquiner sous la couette : Stupeur et tremblements, puis le Journal de Bridget Jones [1]. Bof. Et re-bof. Mon voisin a du me croire frappée de démence à cause des éclats de rires aussi soudains que tonitruants que m’a procuré la lecture du Journal de Bridget Jones. Ceci mis à part, c’est plutôt consternant. Jugez-en par vous-même :

« … il s’agirait d’un cas type d’"enfoirage affectif", un fléau qui se répand à la vitesse du vent parmi les hommes de plus de trente ans. Quand les femmes passent de la vingtaine à la trentaine, il se produit un subtil glissement dans le rapport de forces. Les garces les plus effrontées perdent leur assurance, victimes des premiers symptômes d’angoisse existentielle : la peur de mourir seules et d’être découvertes trois semaines plus tard, à moitié dévorées par leur berger allemand. Des idées toutes faites de mise au placard, de roues qui tournent, d’objet sexuel au rebut, conspirent à les rendre idiotes […] et les hommes profitent de ce défaut dans la cuirasse pour se tirer d’affaires : plus d’engagement, plus de maturité, plus d’honneur, plus de relations entre hommes et femmes évoluant normalement. »

J’avais beaucoup entendu parler de ce bouquin : Comment ça ! tu n’as pas lu le Journal de Bridget Jones !? Lis-le, c’est fabuleux ! Il nous ressemble tellement..., le nous désignant tacitement les célibatantes trentenaires [2]. J’avais finalement l’impression de passer à côté d’un truc qui pouvait bien s’avérer être une perle, ou à défaut procurer un bon moment de détente et d’hilarité, et pourquoi pas un vague sentiment de solidarité entre trentenaires de ce début de millénaire.

Le pire, c’est bien qu’il m’ait fait rire ce bouquin, et, encore pire, parce que je m’y retrouvais un peu par endroits.

Mais pour le reste, Bridget n’est qu’une pauvre fille victime de trop de lecture de magazines féminins, obsédée par son apparence physique et le désir de plaire. Charmante certes, délicieusement marrante (navrante ?), originale, mais assez superficielle et peut-être même… un peu sotte. Elle n’est motivée que par le désir de rentrer dans les normes imposées par la société, c’est-à-dire : avoir un mari. Son journal aurait pu s’achever par l’archaïque petite phrase, telle un commentaire auto-satisfait de l’auteure : … et ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants !

Encore une belle au bois dormant qui attend l’irruption de l’homme-prince-charmant pour commencer à vivre. En l’occurrence, un richichissime avocat fraîchement divorcé. Ben voyons ! On nage en plein cliché conservateur !

« Bon Dieu, pourquoi suis-je aussi moche ? Dire que je me suis persuadée que je gardais tout mon week-end pour travailler alors que j’étais simplement en faction devant le téléphone à attendre que Daniel m’appelle. Atroce ! Pourquoi n’a-t-il pas appelé ? Qu’est-ce qui cloche chez moi ? »

Ce qui m’afflige, c’est qu’en tant que trentenaire célibattante, et après la sortie d’un tel roman — qui s’est vendu à plus de quatre millions d’exemplaires dans le monde, sans compter son adaptation au cinéma —, je suis désormais cataloguée comme une Bridget Jones.

Il y a bel et bien un nouvel âge de la vie, qu’on pourrait appeler « post-adolescence » et qui rime parfois avec trentenaire. Mais il y a un fléau dont on ne parle pas assez : les magazines féminins.

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Vos commentaires

  • Le 30 août 2004 à 02:15, par Romy Têtue En réponse à : > un nouveau millimètre de graisse

    Yes ! je ne suis pas la seule à fustiger Bridget Jones ! La voici aussi aussi citée par Clémentine Autain pour illustrer les ravages de la presse féminine :

    Après la lecture de magazines érigeant des néo Kate Moss (celle-ci ayant rendu publiques les souffrances causées par son anorexie) en idéal féminin ou un moment de détente devant « Ally McBeal », l’héroïne du feuilleton de M6, femme « moderne » s’il en est, avocate au profil filiforme qui rétrécit à mesure que les épisodes avancent, comment ne pas s’adonner à une inspection en règle devant son miroir pour traquer l’apparition d’un nouveau millimètre de graisse ? Bridget Jones, cette trentenaire « enfant de la culture Cosmopolotain et traumatisée par les tops models » et dont le journal intime a fait le tour du monde, est particulièrement emblématique : elle commence chaque récit quotidien par l’indication de son poids, qui n’oscille pourtant qu’entre 56 kg et 59 kg. En tête de ses résolutions de l’année : « perdre 7 centimètres de tour de cuisse » ! Avec de tels modèles comment s’étonner que l’anorexie touche à 95% des femmes et la boulimie à 90% ?

    « Alter Ego », de Clémentine Autain, ed. Robert Laffont, 2001.

  • Le 22 août 2006 à 12:07, par Marco En réponse à : étonnant ce blog !

    Bravo, j’adore ce blog, la mise en page, le « staïle », la déco ... mais cela
    n’est que l’aspect extérieur, surtout (méga) surtout j’apprécie ces petits
    textes qui donnent à penser et montrent que l’analyse critique n’est pas complètement morte ! Ouf, il en reste si peu de ces combattants qui refusent d’absorber ces nourritures factices et riches que servent les
    médias pour :

    1. vendre leur copie,
    2. endormir le chaland
    3. lui subliminaliser comme c’est bon d’être devant ce média !
    4. elle est bonne cette pizza
    5. superbe la coupe de ce footeux
    6. caisse que t’es heu ... Re !
    7. penses à acheter merci pour mes poches
    8. restes là !
    9. tout est spectacle même toi !

    bravo pour la petite musique divergente, à lire une parodie de bridget jones sur le mode érotique qui déroule toutes la machinerie, je vais chercher le livre j’ai oublié le titre ! Continuez dans cette veine ...

  • Le 14 janvier 2007 à 11:45, par ? En réponse à : Merde alors... ?*% !? ... qui a lu le Journal de Bridget Jones ?

    c’est le film quib est bien.

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