Compte-rendu d’une soirée networking girly sur la mobilité, où il y avait à boire et à manger : chiffres clés, SoLoMo, serious gaming… et masculin neutre qui l’emporte !
Ce second ampi des « Girlz in Web », lundi 13 février au Palais Brongniart, portait sur la mobilité : « Mobile it ! La révolution mobile est en marche… »
Le maître des lieux se dit heureux, par son accueil, de permettre au « virtuel de s’inscrire dans le réel »… ce qui me plonge dans une profonde perplexité. Je n’ai jamais compris ce terme. Parle-t-il du Web, qui est mon territoire d’expression et ce pourquoi je suis ici, ou d’un autre monde qui m’est aussi inconnu que les paradis artificiels que ce mot m’évoque ? Qu’est-ce que le « virtuel » ? Internet ? Mais ce n’est qu’un moyen de communication ! A-t-on jamais qualifié une conversation téléphonique de « virtuelle » ? Toi qui me lis, es-tu de ce « monde virtuel » ?
Passée cette déroutante introduction, Blandine Silvermann, Directrice Mobile France de ComScore, nous dresse un panorama du marché, des usages, avec force camemberts, chiffres clés et « metrics ». Très bien. S’ensuit une intervention impressionnante par son jargon où les néologismes et anglicismes qui surgissent tous les cinq mots me précipitent sur le Net, pour y chercher les définitions, tant sur Wikipédia que sur les réseaux où je découvre que l’événement est généreusement « live-tweeté », de façon tout aussi jargonneuse, qui plus est abrégée. J’en avale ma langue. Nous sommes sur une autre planète, celle du marketing, ou plutôt du « branding » [1], en plein « SoLoMo » [2]. Et quelle vision d’horreur : des pubs partout, jusque dans ma poche, sur mon mobile, ses applis, au sein même des jeux, hyper ciblées et géolocalisées ! La salle applaudit…

Bien que n’étant pas « gameuse », j’ai été davantage séduite par l’approche de Fanny Bouton, consultante en technologies mobiles et jeux, organisatrice, depuis 2002, des Fanny’s Party. Non, je ne suis pas entrée dans le jeu avec la génération Goldorak, où me situe pourtant mon année de naissance : je suis apparemment restée fidèle à la précédente, celle d’après guerre, qui ne joue pas du tout. Dans la nouvelle génération, homme ou femme, tout le monde joue, à tout moment, de façon compulsive, parfois addictive, partout, tout le temps, comblant ainsi le moindre temps creux de la vie — quelle angoisse !
Mais j’adhère sans peine à sa vision, tout simplement ludo-éducative, d’une communication reposant sur le jeu : oui, le message passe toujours mieux ainsi, lorsqu’il est acquis en s’amusant. Pour finir, j’aime beaucoup son scénario, pas si futuriste, où je commence une partie sur la TV de la maison, pour la poursuivre sur smartphone dans le métro et la terminer sur la console des copains
. C’est possible si mon jeu est « dans le cloud » et que ma partie est transmise d’un appareil à l’autre grâce aux puces NFC, technologie de communication de données sans contact, intégrée directement dans les téléphones : il n’y aura plus de « coupures » entre les espaces. Imaginez comme ce serait agréable pour écouter de la musique !
Ce sera là la seule considération concrète et (un peu) technique, de cette conférence qui s’adresse clairement moins à celleux qui font le Web qu’aux diffuseurs et annonceurs. OK, y’a beaucoup de “device”, mais quid de l’interopérabilité ?
demande quelqu’une dans la salle et Personne n’a parlé de “responsive”… mais peut-être ne connaissez-vous pas ?
Là n’est pas la question. C’est une soirée networking : il y a à boire et à manger, le coktail est sympa et, victoire, le hashtag de l’événement caracole en pôle position des « trending topics » du jour !
Mais quand même… gros fail que ces prises de paroles commençant par un Bonsoir à tous
sans moindre accord au féminin, pourtant ici majoritaire ! Ne pas réussir à se défaire de ce conditionnement, de cette prévalence du masculin, même dans un événement si officiellement « girly » est choquant. Pire, dans l’assemblée certaines s’en réjouissent, préférant cette excision linguistique, pour plus de « neutralité », cautionnant le masculin comme genre commun… Voilà qui expliquerait cette mode des filles à moustache ! Mais suffit-il de singer le genre dominant ?
Plus généralement, l’absence d’éclairage genré ni même de point de vue féminin dans les sujets abordés était frustrant pour une telle conférence de « femmes du Web ». On reste dans le constat, comme une récitation de leçons. De gentilles filles ont bien travaillé, qui transposent docilement le schéma de la presse magazine féminine — pub, shopping, hihi — au Web. Pas de distance critique, pas d’analyse. Papy Brongniart peut se roulotter la moustache tranquillement : aucune pensée subversive ne s’infiltre sous les dorures du palais. Aucune remise en question de l’ordre établi, aucun risque d’émancipation : ses brebis bêlent panurgiquement avec les moutons et le masculin l’emporte toujours, ouf !
Hé les filles, réveillez-vous ! ne vous faites pas avoir à ce jeu là !
Et vous autres qui me lisez, amis et amies du Web, méfiez-vous car le pire est à venir : pis qu’une des dix plaies d’Égypte, une déferlante de belles consommatrices virales, armées de « serious games » addictifs, lardés de bannières et cadeaux publicitaires, est en train d’envahir nos écrans !
Voir en ligne : http://girlzinweb.com/2012/02/27/compte-rendu- (...)
Vos commentaires
1. Le 27 février 2012 à 12:09, par Maïeul
En réponse à : Les Girlz in Web chez Papy Brongniart
Bizarrement ton compte rendu ne m’étonne guère. Vu le titre du bouzin.
Seul point : il y a 10 plaies d’Égypte, et pas 7.
2. Le 27 février 2012 à 12:21, par thierry
En réponse à : Les Girlz in Web chez Papy Brongniart
Bonjour MaDame,
Que voici un article bien écrit, bien pensé. Il fallait que je le témoigne sans me contenter d’un" lol" réducteur si frustrant.
Le ton et plus globalement le caractère qui se diffuse à la lecture du site, à la fois déterminé et créatif, me fait penser à des femmes comme Rosa Luxembourg ou Aurore Dupin.
voilà les mots ont leurs poids parfois que les images ou les interjections tweeto-franglaises n’osent leur ravir.
thierry
3. Le 28 février 2012 à 17:00, par Stéphane Deschamps
En réponse à : Les Girlz in Web chez Papy Brongniart
Ces histoires de virtuel, il ne faut pas s’en offusquer. Les gens qui disent ça sont juste des gens qui ne pratiquent pas, la plupart du temps. C’était assez "hype" chez les politiques il y a quelque temps.
(mais chut, je suis virtuel) ;)
Répondre à cet article
Suivre les commentaires :
| 