Accès impossible à mon compte Ameli

Ameli est le petit nom de l’assurance maladie en ligne, service dont les mots composent cet acronyme, en forme de prénom familier, pour plus de proximité avec l’usager. Mais Amélie n’est pas la copine qu’elle paraît et reste distante et inaccessible.

Je dois me rendre sur le portail de l’assurance maladie pour obtenir, via « mon compte Ameli », une attestation de droits pour ma nouvelle embauche, puisque la carte vitale est inutile dans ce cas. En fouillant ma paperasse médicale, je retrouve un courrier papier, qui m’invite à « ouvrir un compte sur www.ameli.fr, le site de l’Assurance Maladie », m’en expose les avantages et me fourni un « code confidentiel » pour ce faire, que je dois utiliser avec mon numéro de sécurité sociale. Brrr, faut aimer les chiffres. Pas cool pour les dyscalculiques. Mais ce code confidentiel est provisoire : il est valable pendant 15 jours. Ce courrier n’étant pas récent, c’est trop tard pour moi. Comment faire ?

Heureusement, sur le site, un pavé intitulé « Problème d’accès » semble me concerner. J’y lis « Vous avez perdu votre code confidentiel ? » et « Cliquez ici », ce que je fais et paf, nouvelle fenêtre où je saisis mon numéro de sécurité sociale, comme demandé, vraisemblablement avec succès puisque j’enchaîne sur un autre formulaire à 3 champs… dont je ne sortirais jamais. Me sont demandées des choses pourtant simples : mon nom, ma date de naissance et mon code postal. Quoique je saisisse — j’essaye consciencieusement avec tous les codes postaux de mes domiciles précédents, avec ou sans tiret dans mon nom composé, etc. —, la machine me répond : « Erreurs de validation : Les erreurs suivantes doivent être corrigées avant de pouvoir continuer : Utilisateur non reconnu. »

Arrivé·e à cette page, il n’y a aucun moyen de revenir en arrière :

• il n’y a pas de lien explicite de retour à l’accueil ;
• ni lien implicite, sur le logo par exemple, ni sur le bandeau, dont le visuel me laisse penser un instant qu’il s’agit d’une barre de navigation graphique ;
• il n’y a que trois liens, en pied de page, que je clique, en espérant sortir par une porte dérobée : j’espère, en affichant les mentions légales, retrouver un contexte de navigation. Que nenni : c’est une pop-up qui s’ouvre, comme un site miniature de 460 pixels de large, comme exprès pour qu’on ne lise pas, et où la seule possibilité est « fermer la fenêtre ». Idem pour les autres liens. Y compris celui d’aide que je n’avais pas vu, caché qu’il est en haut à droite, dans un petit onglet dans l’angle mort de la page.
• et les flèches de retour de mon navigateur ne marchent pas, puisque que je suis dans une nouvelle fenêtre.
• même raccourcir l’URL pour ne garder le nom de domaine est sans effet puisque c’est ici un sous-domaine, assure.ameli.fr

Bref, un vrai cul-de-sac. Comment faire pour l’éviter ?

En ligne depuis 2002, ce portail vieillot qui rappelle fortement ce qui se faisait sur le net il y a 5-10 ans avec les erreurs ergonomiques d’époque : textes miniatures, pop-up… Cependant comme souvent sur les sites institutionnels le contenu est assez complet, détaillé et en quantité. Un portail qui ne paie pas de mine mais remplit ses fonctions premières, paraît-il. « C’est un bon site quand on peut y accéder » ironise cet « ancien utilisateur excédé ».

J’ai tout essayé : puisque je ne peux consulter mon compte, c’est peut-être que je n’en ai pas. Peut-être fallait-il d’abord « activer » mon compte ? Idée saugrenue, mais j’envisage tout. Je décide donc de « commander ici un code provisoire, pour créer votre compte ameli », comme proposé. Le recevrais-je par courrier postal ? Mais ce parcours de création passe par les mêmes écrans et aboutit à la même page, où le système ne se lasse pas de me répondre que je suis un « Utilisateur non reconnu » !

Cette page est une impasse, où même la marche arrière est impossible. Pas de parcours alternatif, pas d’issue, pas d’aide… Il n’est pas prévu que l’utilisateurice échoue à cette étape. J’ai un sentiment d’impuissance et de nullité immense. Je me sens écrasée par un truc inhumain, coincée entre 4 murs, acculée, comme dans ces romans de science-fiction où les machines prennent le pouvoir et asservissent l’humanité.

Je m’interroge… Réussissez-vous à faire usage de tel service en ligne ? Ne serait-ce qu’à y accéder ? Il paraît que oui. Ce portail connaît même une augmentation de trafic, au point de s’enrichir de nouveaux services : depuis fin 2007, plus de 2,5 millions d’assurés ont ouvert un compte sur le site ameli.fr. En moyenne, l’Assurance Maladie annonce la création de 6 000 nouveaux comptes chaque jour, soit près de 200 000 par mois. Il s’agit là de celleux qui réussissent. Et les autres ? Compte-tenu de l’ergonomie bâclée du parcours expérimenté, ici décrit, ces chiffres officiels m’apparaissent peu crédibles. Comment faites-vous ? Dans les forums, nombreux sont celleux qui se plaignent : Bonjour, je ne peux pas acséder a mon compte amelie il est veroullié que dois-je fais pour y acséder merci de me répondre. Réponse : vous n’êtes pas le seul, sans doute on est des centaines... voir des milliers à ne pas avoir accés au compte Amélie. Je croise quelques pages web, qui expliquent comment faire, moyennant finance… qui puent l’arnaque.

Avec le temps et le cumul de ce type d’expériences, j’ai appris à retourner ce sentiment à l’envoyeur. Et à préférer les démarches IRL. J’ai un haussement d’épaules désespéré, une infinie lassitude : je sais qu’il ne faut rien attendre des sites administratifs qui, même s’ils sont budgétés à milliers, restent complexes, si pas hermétiques, aux utilisateurices. C’est une marque de fabrique de l’administration française, qu’illustre bien cette maxime shadoke, que je ne suis pas la seule à associer à ce site : pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué. Et je soupire, en pensant à celleux qui travaillent dans ces structures : comment font-ils pour avoir envie de se lever le matin ? Croient-ils vraiment, comme annoncé, que ce genre de site « simplifie les démarches et nous fait gagner du temps » ? Sur quelle planète de complexitude vivent-ils, dans quelle décennie archaïque sont-ils restés bloqués, pour nous pondre de telles vieilleries informatico-kafkaïennes ? Quelle conception étrange ont-ils de l’informatique et des interfaces ! Que de temps et d’argent perdus ! Quand est-ce que ça changera ?