Les personnes qui me lisent auront remarqué mon emploi courant du pronom « celleux ». D’aucuns me l’ont pointé comme étant une erreur, de frappe ou d’orthographe. Que nenni !
Pour faire court, c’est une contraction des mots « celles » et « ceux ». Ce mot-valise ravit les feignasses du clavier (dont je suis parfois) qui trouvent agrément à écrire un mot plutôt que trois. Plus exactement, « celleux » vient de l’ancien pronom français « icelleux » — lui-même formé des mots « ici » et « elles » et « eux » — qui signifie littéralement : « elles et eux qui sont ici ». « Celleux » est donc la forme moderne de « icelleux », tout comme « celui » est la forme moderne de « icelui » et « celle » de « icelle ».
Et non ! n’en déplaisent à ses détracteurs, ce n’est pas encore une de ces « dangereuses inventions dégenreuses et féministoïdes qui dénaturent notre belle langue » (sic) et tentent de faire disparaître le masculin derrière la neutralité d’un « celleux »… Rappelons-leur que le genre neutre n’est pas une invention, puisqu’il existait en latin et s’est maintenu en ancien français (dans la déclinaison des adjectifs, des pronoms et des participes passés). Notre belle langue compte encore quelques restes bien vivaces du genre neutre, comme les pronoms démonstratifs « ceci » et « cela ». Et « celleux ».
Mais comment ça se prononce ? À l’oral, certain·e·s remplacent subrepticement le pronom « celleux » par « celles et ceux » mais il se prononce bel et bien, tout simplement comme le mot « celle » avec un « eux » final : \sɛlœ\.
Il est donc inexact — puisqu’il existe si joli pronom mixte — d’abréger « celles et ceux » par des formes avec séparateur comme « celles-ceux » ou encore « celles/ceux », comme on le voit parfois. Les néologismes « ceuxelles » et « ceulles » sont de même inutiles. Et il est impropre d’employer à la place, comme le préfèrent d’autres, « ceusses » qui n’est pas neutre, mais masculin pluriel, donc excluant : c’est un dérivé de « ceux », qui est de plus familier, voire péjoratif.
Pour finir, « celleux » permet d’offrir au texte une proximité et une légèreté que n’auront jamais les formulations qu’il remplace, « les gens » ou « les personnes », et surtout une bienveillante inclusivité que n’aura jamais la formulation plus usuelle « celles et ceux ».
Vos commentaires
1. Le 6 mars 2016 à 11:00, par bassanese
En réponse à : À celleux qui me lisent…
J’avoue n’avoir pas bien prêté attention au genre de « ceusses » dans son usage. Pourtant c’était explicite. :)
Je n’en commettrai plus la faute grâce à toi.
2. Le 6 mars 2016 à 11:24, par frèd
En réponse à : À celleux qui me lisent…
Franchement je vois pas pourquoi il ne faudrait pas virer cette priorisation du masculin qui empeste notre langue.
et si ça dégenre et réduit l’injustice présente dans notre langue, c’est très bien !
Je vois pas la nécessité de se justifier là-dessus vis-à-vis des réacs de toute sorte.
Homme blanc hétéro la 50 aine !
3. Le 7 mars 2016 à 11:13, par tungstene
En réponse à : À celleux qui me lisent…
l’écriture est un des rares espaces de liberté qu’il nous reste, il faudrait beau voir que l’on vienne m’empêcher d’inventer des mots !!!!!
Je marche sur un trottinoir, et j’adore cajoliner et en poésie mes vers boiteux versifaille. Par conséquent peu me chaut, et même me laissent complètement froids, les tenant et les abrutissant de ceux qui mettent en avant leur fibre académique.
4. Le 11 mars 2016 à 10:19, par Stéphane Deschamps
En réponse à : À celleux qui me lisent…
Merci Romy, j’apprends un truc. Et comme je suis un peu féru d’étymologie, ça ne peut pas faire de mal pour me la péter avec celleux à qui j’en parlerai :)
5. Le 18 avril 2016 à 16:36, par 1138
En réponse à : À celleux qui me lisent…
C’est justement la prononciation qui me gêne dans une écriture comme « certain·e·s ». En effet, lors de la lecture, on oralise mentalement le texte.
Dans ton article, ce n’est pas très grave : il n’y a que peu de formes de ce type. Mais quand un article en est truffé (du style
à chaque phrase), ça coupe toute lisibilité du texte. En tel cas, je préfère favoriser les formes épicènes ( ou, simplement, )« Celleux », au moins, ça se prononce comme ça s’écrit. Dommage qu’il n’y ait pas plus de mots mixtes aussi simples (et aussi jolis).
6. Le 21 août 2019 à 19:47, par Hiihihi
En réponse à : À celleux qui me lisent…
Lol celles et ceux qui croient que retourner dans le passé c’est synonyme de progrés. Comme finirait tous les commentaires haineux : à bon entendeur...
7. Le 10 janvier 2020 à 15:08, par CamelBear
En réponse à : À celleux qui me lisent…
Je pense que le terme « celleux » peut-être utilisé à bon escient et que des mots neutres devraient être trouvé efficacement pour chaque cas d’écriture que l’on peut rencontrer dans la langue française mais l’écriture inclusive, bien que l’idée soit bonne casse tout lyrisme oral lors de la lecture et est elle même trop complexe car remplie de variantes.
8. Le 10 janvier 2020 à 15:57, par Romy Têtue
En réponse à : À celleux qui me lisent…
@CamelBear : Les formes épicènes, comme « celleux », participent de l’écriture inclusive, que vous critiquez pourtant à la fin de votre message, la confondant sans doute avec les seules abréviations. Et ce n’est pas une « idée », qui serait bonne une mauvaise, mais une pratique, qui n’est pas nouvelle.
9. Le 21 mars 2020 à 10:17, par Yohann
En réponse à : À celleux qui me lisent…
C’est étrange, dans l’exemple donné : « tous les estats et offices qui avoient esté en icelleux », icelleux semble plutôt avoir le sens de « en ces lieux » ou « ici-même », et non pas le sens que lui prête l’article. Ôo
10. Le 10 juillet 2020 à 05:51, par Benoit
En réponse à : À celleux qui me lisent…
Bonjour,
J’ai vérifié sur le site de l’académie française, la recherche de « celleux » ne renvoie bien aucun résultat. En revanche on peut y trouver le communiqué concernant son opposition et sa mise en garde vis-à-vis de l’écriture inclusive.
11. Le 19 avril 2021 à 11:25, par Alscaux
En réponse à : À celleux qui me lisent…
« Et non ! n’en déplaisent à ses détracteurs »
>> Eh non ! N’en déplaise à
D’autre part, j’aimerais disposer d’une traduction du texte en ancien français que vous citez. J’ai constaté en faisant quelques recherches sur Internet que ce texte n’a été édité qu’une fois, dans un recueil datant de 1837. Une partie du vocabulaire qu’il contient ne figure pas dans les dictionnaires d’ancien français qui me sont accessibles. Que signifie le verbe « se courroucher à », par exemple ? Quelle est la fonction syntaxique de « ensemble tous… » ? Or j’ai beau me pencher sur ces lignes, je n’arrive pas à m’assurer que le syntagme « en icelleux » a pour référent des personnes plutôt que des lieux ; et surtout, même si « icelleux » a pour référent, comme vous l’affirmez, des êtres humains, le contexte historique ne plaide pas en faveur d’un référent mixte : il s’agirait plutôt des magistrats (hommes) composant la « chambre » précédemment évoquée. (Mais je ne fais là qu’une hypothèse interprétative : mes connaissances en ancien français sont trop fragiles pour me permettre d’affirmer quoi que ce soit avec certitude.) Pourriez-vous me renseigner sur ces différents points ?
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