Voici ce qu’on peut retenir de la manifestation d’aujourd’hui, après recoupement des infos (TV+radio) de ce soir et le tour que j’ai pu faire de la manif :
Manifestation féministe en prélude au 8 mars, la Journée Internationale des Femmes : plusieurs milliers de personnes (7 000 à 10 000 femmes et hommes), ont défilé cet après-midi à Paris, entre les places de la République et de la Nation, pour la défense des droits de femmes, contre l’inégalité et contre les violences.
En tête de manif, le Collectif National des Droits des Femmes avec des revendications sociales, suivi de nombreuses autres associations, demandaient l’égalité des sexes jusque dans le travail et dénonçaient le sexisme dont souffrent les femmes au quotidien. Les syndicats étaient également représentés. En tout, plus de 80 mouvements suivaient l’appel unitaire, en tête de cortège.
A mi-parcours, un groupe de quelques dizaines de femmes voilées (les mêmes qui manifestaient contre la loi « anti-voile » il y a quelques semaines) entourées d’un service d’ordre masculin, se maintenaient à l’écart, sur le trottoir, prônant leur droit à porter le foulard. La présence de femmes voilées était cependant très marginale par rapport au gros du cortège.
Le mouvement « Ni Putes Ni Soumises », plus bruyant, très nombreux et très jeune, clôturait le cortège sous le mot d’ordre Pour le droit des femmes : laïcité, égalité, mixité
. Avec les lycéens de la FIDL, SOS Racisme, cette seconde partie du cortège a remporté un franc succès.
Un autre cortège est venu rejoindre la manif, celui des chômeurs : quelques centaines de personnes protestant contre la réduction des droits à indemnisation. On rejoint les femmes, bien évidemment, car on n’oublie pas que les chômeurs sont aussi et principalement des chômeuses
dit un manifestant.
Mon point de vue ?
Il me semble difficile de tirer une conclusion de cette manifestation dès à présent, tant elle fut diverse.
Manifestation avec un goût de cendre
ai-je entendu... sur le moment, un peu : le ciel était gris, le temps pluvieux sur la fin, et le cortège, mélangé, étalé, donnait le sentiment d’être peu nombreuses. C’était sans voir le ramdam de NPNS. Dans cette manif, tout dépend de l’endroit où l’on se trouvait.
J’avais bien plus d’apréhension avant, sur le comportement éventuellement récupérateur, voire agressif, de groupes de femmes voilées. C’est qu’il semblait y avoir polémique, concernant le port du voile. En effet les différents mouvements n’ont pas tous affiché les mêmes mots d’ordre, certains répondant à l’appel unitaire du CNDF, d’autres s’en démarquant pour insiter sur la laïcité et la mixité. Mais le voile n’était finalement que marginal : même si les journalistes ont eu tendance à faire leurs images sur ce symbole facile, il n’y avait guère qu’une poignée d’irréductibles voilées, de plus embrigadées par un service d’ordre masculin, dont le rôle semblait surtout d’empêcher tout échange avec celles-ci.
Mais la diversité des mots d’ordre a dérouté les journalistes, qui, toujours aussi peu renseignés sur les difficultés que connaissent les femmes et leurs multiples motifs de s’en plaindre, n’ont su y voir que manque d’organisation typiquement féminin pour les uns, discorde et crépage de chignon pour les pires, ou simple et ordinaire contestation du gouvernement pour les autres...
Ce que j’en retiens ? chaque mouvement a pu afficher ses revendications, et la manif s’est déroulé sans encombre. Cette pluralité a le mérite de rendre compte de la diversité des revendications féminines. Les discriminations sexistes sont en effet nombreuses, frappent à tous les niveaux, et il y a donc de multiples améliorations à souhaiter.
D’autres, parmi les féministes, se perdent dans la diversité des mouvements présents et crient à la récupération des uns par les autres. C’est vrai qu’il y avait de tout : associations, syndicats, partis politiques. Et même, si j’ai bien vu, une résurgence du MLF !
Il est plutôt remarquable d’avoir été si nombreux-ses : les féministes ne sont pas trop mal vues, puisque d’autres osent s’afficher avec elles dans la rue ! Ça n’a pas toujours été le cas. Il est même assez remarquable d’avoir rallié des politiques... qui se contentent habituellement, ce jour-là, de faire de belles déclarations depuis leur salon.
Il y a cependant un mot que les journalistes ont retenu et qui était prononcé dans tous les médias, sans connotation péjorative pour une fois, c’est celui de « féministe ». Ça m’a frappé, ce mot, employé avec une banalité si peu habituelle. Il ne reste plus à espèrer qu’ils se penchent sur ce mot pour le comprendre et en communiquer le sens au plus grand nombre.
Mot qu’à également employé Fadela Amara (présidente de NPNS) pour se qualifier, mot qu’elle a enfin adopté alors qu’il y à peine un an, elle le rejetait comme n’évoquant qu’un combat d’arrière-garde dont elle n’y aurait plus rien à attendre.
Il y a aussi une belle leçon à tirer du succès de NPNS qui confirme l’importance de ce mouvement qui ne s’essoufle pas. Ces jeunes et fougeuses (et toutes nouvelles) féministes n’ont pas dit leur dernier mot. Issues d’un endroit que le féminisme n’atteignait pas, des cités, des banlieues, elles ne se sont pas révoltées par simple contagion féministe, mais par nécessité. Elles vivent dans une urgence, dans une précarité de la condition féminine qui n’a rien à envier au contexte dans lequel le féminisme a pris naissance. On ne peut que les applaudir et les soutenir !
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